Edgar MORIN, Sur l'Esthétique, 2016
Synthèse ⎟ notes de lecture
Introduction ⎟ Esthétique généralisée
L’esthétique, avant d’être le caractère propre de l’art, est une donnée fondamentale de la sensibilité humaine (…) du grec aisthesis, sensation, sentiment. Le sentiment esthétique est une émotion (…) sentiment de plaisir et d’admiration (…)provoqué par une oeuvre d’art mais aussi par un spectacle naturel. (…) Le sentiment esthétique est profondément humain (…) la vie humaine est bipolarisée entre sa partie prosaïque et sa partie poétique. (…)
Le sentiment esthétique
Le sentiment esthétique relève de la beauté, d’une universalité de la beauté (…) reconnues chacune d’une norme culturelle et d’un gout particulier. (…)
Henrich WÖLFFLIN: « la beauté est dans l’oeil de l’observateur »
La nature du sentiment esthétique
Interrogeons non plus l’esthétique de la nature mais la nature de l’esthétique. (…)
La magie de l’art
Les artistes produisent des objets, des oeuvres qui sont inspirés par leur conception sinon du beau, du moins de l’art et visent à des effets esthétiques. Les artisans produisent des objets utiles mais qui comportent une dimension ou qualité esthétique. (…) au début du 20ème siècle, on parle de magie avec l’esthétisation de l’ «art nègre ».
Le beau et le laid
L’occident a pour exemple universel de beauté, la beauté grecque illustrée par PRAXITELE (…)
C’est une conception classique de la beauté. (…) Nous avons esthétisé l’art africain en dépouillant les masques et les statues de leur finalité rituelle pour les considérer comme des oeuvres d’art (…) C’est Friedrich SCHLEGEL qui le premier a pointé la question de la laideur comme problème central dans l’esthétique. (…) Puis les impressionnistes amènent des types de beauté très différents des canons classiques (…) La recherche de l’authenticité prime sur la recherche de la beauté (…)
La guerre a souvent été esthétisée dans les tableaux de bataille (…) Le cinéma a créé une esthétique de la guerre et y est à la fois abominable et admirable, qui nous procure de grandes émotions. (…) Les grands films de guerre nous incitent au rejet de la guerre, tout en nous procurant une fascination esthétique. (…) on parle d’esthétique de la catastrophe dont le cinéma use et abuse (…) La tragédie grecque et le cinéma ont esthétisé l’horreur et la terreur (…)
Individualisation, marchandisation, industrialisation
Les conditions de la création artistique dépendant souvent du mécénat (…) qui s’accompagne d’une dépendance croissante vis à vis du marché. (…) L’oeuvre d’art se convertit en marchandise. (…) L’art pictural tend à devenir un instrument au service des manipulateurs du marché. (…)
L’oeuvre de l’artiste dépend du marché et par conséquent du marchand. (…)
La créativité
La créativité n’est pas née avec l’humanité (…) la créativité humaine s’effectue à partir de la relation cerveau / main. (…) on parle d’inspiration (…) Souvent, comme dans l’enfantement, l’auteur crée son oeuvre avec un mélange de souffrance et de joie (…)
L’artiste crée dans un état second (l’artiste comme post chaman) ou demi-transe (…)
Transes de vie et tranches de vie
La magie du dédoublement
L’image est le reflet, le portrait, le paysage peint, plus tard la photo et le film (…) comme magie de dédoublement. L’image unit en elle une qualité de présence et absence (…) les arts nés de la photographie, et à partir de la photographie animée du cinéma, ont développé cette magie du dédoublement. (…)
Le thème du double, du reflet, du miroir est récurrent en littérature, en poésie. (…)
Dans les arts, deux voies peuvent se combiner, la voie « réaliste » qui veut ressembler à la vie et refléter le réel, et la voie fantastique échappant aux normes de la réalité (…)
Le théâtre et la mort
Rappelons qu’en Grèce, l’origine du théâtre est la tragédie, ou la mise à mort du héros (…)
Cinéma
Le cinéma, lentement, est reconnu comme un art, dans la première décennie du parlant (…) un très grand art polyphonique et polymorphe, (…) un art total.
L’obscurité de la salle détermine une réception semi-hypnotique du film, qui favorise la participation psychique à l’action et l’identification-projection aux personnages (…) Nous souffrons avec eux, et en même temps nous éprouvons une satisfaisante émotion esthétique. (…)
Depuis, le cinéma nous livre à des scènes violentes et passionnées (…) à ce jeu de la mimesis d’ARISTOTE. On se projette sur le héros et on s’identifie à lui, cette mimesis est particulièrement active et puissante au cinéma. (…)
Peinture
Dans le portrait humain, cette mimesis peut saisir, à travers l’expression, la psychologie profonde du portraituré, comme chez REMBRANDT. (…) bien qu’à partir du 19ème siècle, l’art de la peinture s’en éloigne et se porte moins sur l’objet que sur l’art de peindre. (…)
Arts nouveaux et esthétique élargie
L’art photographique
Il a fallu des décennies pour que le cinéma soit reconnu en tant qu’oeuvre d’art (…) La photographie est passée de la banalité subjective (souvenirs) et objective (images dans la presse) à la reconnaissance comme art. (…) art du cadrage, art de l’angle et de la prise de vie, art de l’éclairage, art de l’instantané et art de la pose (…)
Interférences: esthétique, poétique, mystique, ludique
Etat esthétique: émotion poétique spécifique, plaisante ou heureuse, suscité par un spectacle de la nature, un évènement, une oeuvre d’art . (…) Il y a dans le grand art la complexité d’une évasion du réel immédiat (…)
Esthétique et culture
Le mot culture, au sens ethnographique (culture d’un peuple, rites, coutumes), au sens anthropologique ( ce qui est acquis, de qu’on doit apprendre) , au sens culture populaire (plaisir, divertissement, culture de masse) (…)
La connaissance froide nous laisse froids: on ne peut apprendre qu’e ayant du plaisir, goût, émotion. (…) la connaissance se nourrit d’effectivité (…)
Franz LISZT : « Les arts sont le plus sûr moyen de se dérober au monde; ils sont aussi le plus sûr moyen de s’unir à lui » (…) L’art nous donne l’émotion esthétique qui nous fait regarder en face la tragédie humaine , tout en nous permettant de la supporter et de l’affronter. (…)
L’art et l’esthétique doivent contribuer à la poétisation de la vie (…).